Sans passé, sans souvenir, qu’il était, et qu’il est difficile de vivre sans souvenir, sans rien, à vrai dire, vivre avec rien. Vivre avec le néant, le néant d’un passé oublié. Oublié ? On pouvait même se demander s’il en avait bel et bien eu un ! Pourquoi croyait-il qu’aujourd’hui était son premier jour, sa naissance ? Il avait juste l’impression de vivre pour oublier, ou d’écrire pour effacer. Comme si, insatiable, il écrivait sans fin avec un acharnement sans pareil pour finalement apprendre, qu’une gomme ou un effaceur intransigeant passerait juste derrière lui, il ne pouvait pas même le voir, ni même prouver son existence.

Sans présent, pourquoi, sans passé, n‘avons-nous pas un présent fiable et viable ? Il se sentait comme un bâtiment sans fondation, comme un nuage sans vent, obligé de rester las et là, sans pilier pour le réconforter de sa propre existence. Sans souffle pour le faire avancer. Comment avancer, quand l’on ignore qui l’on est, qui l’on a été ? Et conséquence à cela, ne pas savoir qui l’on pourra être…

Le futur était si difficile à imaginer, quand l’on ne savait pas qui l’on était.

Voguer, il voguait, ou plutôt il errait, sans savoir, sans ne rien savoir. Il ne voyait que du noir, un noir totalement qui l’enveloppait, comme si il dormait, pour l’éternité, dans un rêve sans fin. Où il aurait juste oublié. Mais dans ce rêve, ce rêve sourd, impalpable, confus, inimaginable, il se sentait voguer, oui, voguer, tel une comète. Sans frein, ni limite, effréné, frénétique. Voyager dans les méandres interstellaire, dans l’espace sidéral, dans l’inconnu cosmique… Dans un dédale ténébreux et mystérieux.

Promptement, une étoile jaillit des arcanes sombres. Des pensées, une foule de pensées, une histoire, un passé, un futur, un présent ! Une personne ! Un être doué de vie, de pensées, et d’une histoire.

C’était une jeune femme, encore très jeune, du merveilleux nom d’Eanna… Un nom si doux et reposé… Si tendre. Il semblait naître, sortir de ses tourments noirs, il se sentait en Eanna, il aurait presque pu être Eanna ! En plus, en plus ! Qu’elle était fascinante, une jeune femme rebelle, révoltée, d’un caractère bien trempé, et d’origine surprenante !

Nicky… Voilà ses pensées, cet enfant disparu…

La comète s’effondra dans un silence extraordinaire, sans projection… Fantasque. Il voyait, deux bras tendu devant lui, les mains ouvertes… Il était, il était ! Il semblait vivre, avoir une histoire ! Il était petit, vraiment petit, il portait des lunettes, reposant sur un nez frêle et retroussé à son bout. Une tignasse brune lui ébouriffait le visage. A son poignée, il portait un bracelet; un bracelet design d’un bleu pâle. Il indiquait l’heure, et beaucoup d’autres choses. En effet, il avait un nombre quasi incalculable de fonctions, dont une primordiale dans la forêt dans laquelle il avait atterrît. Il s’agissait d’une option de survie, en fait, c’était une « bulle », une bulle transparente qui enveloppait son corps et ses vêtements, laissant quelques centimètres d’espace. Celle-ci préservait de toute allergies corporelles, et permettait à son propriétaire de respirer normalement, c’était en fait une bulle aseptisée…

Il était devenu Nicky; très jeune génie en herbe. Scientifique, inventeur, explorateur.

Il se mit à marcher, empli d’une nouvelle vie. Ne pensant plus à l’ombre qu’il était, il était Nicky, juste Nicky, ne pensant plus à ce voleur d’identité… La Nature qui l’entourait le berçait d’une aura fabuleuse et merveilleuse, on aurait dit que des flocons d’or virevoltaient autour de lui… Pourtant des flocons mortels. Les yeux de l’enfant étaient attirés par toutes ces plantes, ces immenses champignons dont le dôme était d’une couleur saugrenue et à la fois harmonieuse. Le primesautier se mit à courir, admirant cette Nature survivante, admirant cette nébuleuse de couleurs. Il voulait trouver des plantes capables de soigner, sauver… Il n’avait plus que cette idée en tête ! Innover, créer, inventer ! Il découvrit alors au recoin d’un arbre, une jeune femme allongée ! Allongée sur un engin encre non-identifié, qui, après quelques secondes s’éclaircit sans les idées de Nicky, c’était un appareil volant, des Atlantes… Il se mit alors à crier gaiement, arborant en grand sourire enfantin :

« Hé ! M’dame, m’dame ! C’est pas bon de s’endormir ici ! Faut faire attention vous savez ! Ici c‘est plein de plantes toxiques ! Je vois que vous portez un masque, mais il faut toujours être prudent. Moi je dis qu‘il fait des gadgets, il n‘y a que ça des gadgets pour aider dans la vie ! D‘autant plus que je suis certain que certaines plantes peuvent bouger d‘elle-même et attaquer. Enfin ce n‘est qu‘une théorie, car je n‘en ai jamais vu, mais étant donné l‘intensité des Curies et des Röntgens que j’ai relevé, je suis quasiment certain que des plantes ont muté ! En plus, c’est-ce que je cherche… Enfin, je cherche un peu tout, cet endroit est une mine ! Véritablement mine d’or ! »

Après une logorrhée déstabilisante, il se saisit de la main de la jeune femme, d’ailleurs, la bulle qui recouvrait l’enfant enveloppa tout de suite sa nouvelle compagne ! Il arbora un sourire gigantesque :

« Je m’appelle Copernick Oliver Ly… » Nicky se stoppa net, il venait d’apercevoir une plante, non loin, elle était magnifique, faite d’un bleu pétillant et de bigarrures aurifères. Il courut dans sa direction, d’un air béat et empli de stupeur :

« Wooooooah, elle est magnifique ! Splendide ! Il faut que je la nomme ! Absolument ! » Il se retourna vers la jeune femme, et la scruta, non gêné. « Tu me fais penser aux vents ! A l’air ! Tout comme les couleurs gé-ni-ales de fleurs ! Je vais l’appeler… Zephyra Boreus Asia ! Bon, ok, zéphyr ça fait penser à des vents chauds de l’ouest ! Mais j’ai envie, alors c’est pas grave ! » finit-il en tira malicieusement la langue à sa compagnie. « Oui, donc je m’appelle pas vraiment Copernic Oliver ! C’est juste que je suis fan d’Oliver Twist, et que Copernic, ben c’était un génie de chez génie ! Si un jour je pourrai avoir sa renommée » ajouta-t-il, les yeux brillants, en s‘approchant de la jeune femme. « Mais aussi parce que mon prénom c’est Nicky, comme dans Copernic ! Nicky... »