Walking on the moon...

La seringue tombe sur le sol. Jamie frémit. Elle sent la Red Wing qui rentre en elle, déverse son poison euphorisant... Ses yeux s'ouvrent. Elle a les pupilles complètement dilatées, mais elle voit parfaitement bien. Son pouls s'accélère. Elle revit. Jamie se redresse, essuie ses vêtement. Deux trous ont apparu au bas de son débardeur blanc. Elle grogne, râle sur son pouvoir qu'elle ne maîtrise pas en état de manque. Sa main ramasse la seringue. Il ne faut surtout pas gâcher cet objet précieux. En retrouver devient un vrai calvaire, ensuite. Ou alors il faut les payer très cher... Ses gestes était flous, fatigués. Maintenant ils sont rapides, précis. Elle redevient le soldat qu'elle a toujours été.

Elle arrive sur une sorte de route. Enfin, une sorte de chemin tracé entre les débris qui serpente dans ce paysage lunaire, morbide, avec pour seuls vestiges de la grande cité américaine des pans de mur épargnés par les multiples explosions. Elle s'arrête, regarde le paysage. Elle s'agenouillerait et pleurerait si la Red Wing n'empêchait pas son coeur de se serrer. Elle se contente de prononcer une phrase bateau et qui ne sert à rien:

« Vie de merde. »

Elle crache sur le sol. Sa salive laisse un trou dans le béton fissuré. Elle recommence à marcher d'un pas rapide, sa Red Wing transformant peu à peu son visage et son corps. Elle sourit, marche d'un pas de plus en plus assuré. Elle est enfin heureuse. Depuis toutes ces années, seule la Red Wing lui arrache des sourires, qu'elle croit vrais. Mais bon, ce n'est que l'effet euphorisant de la drogue. Elle se sent envahie d'un souffle nouveau, alors qu'elle sait que son vrai souffle, son souffle de vie, lui, est perdu à jamais. Perdu dans la merde qu'elle prend chaque jour. Cette merde qui l'aide à tenir, à supporter le poids de son passé, et même de son présent. Mais bon, elle n'y pense pas, mieux vaut continuer à avancer, sourire, se laisser aller à la douceur de l'euphorie qui monte à la tête... Elle commence à trottiner, s'invente des ennemis imaginaires, tente des esquives, quelques attaques du poing et du pied. Elle s'en fou, il ne reste personne sur cette planète! Pour elle, l'être humain est mort avec l'apocalypse. Ici ne reste que des fantômes, des âmes damnées à qui elle peut fournir un peu de bonheur en seringue. Elle commence à chanter une vieux tube de rock qu'elle écoutait quand elle était petite, en cachette de son père. C'est une sorte de vieillerie qui devait dater du XX° siècle... Pourtant, même si elle n'est pas branchée musique de vieux, elle adore cette musique:

"You are one of God's mistakes,
You crying, tragic waste of skin,
I'm well aware of how it aches ,
And you still won't let me in...."

Pour elle, la musique n'a pas disparu. Elle commence à faire claquer ses doigts, bouge légèrement la tête au rythme de sa musique imaginaire, se rappelle chaque instrument, chaque petit changement de ton. Elle ne veut plus oublier. Plus maintenant. Sa mémoire, c'est la seule chose à laquelle elle peut faire confiance, dans ce monde. Et sa dope. Elle, elle ne la lâchera pas. Jamie commence à élever la voix, elle crie presque, emportée par l'air, par la Red Wing qui lui brouille le cerveau:

"Before our innocence was lost,
You were always one of those,
Blessed with lucky sevens,
And the voice that made me cry.

It's a song to say goodbye. "

La musique dans sa tête s'arrête. Sa voix se tait. Elle stoppe lentement le claquement de doigt. Tout redevient calme dans le paysage. Un silence de mort. Pourtant, Jamie sait qu'elle n'est pas seule. Peut-être même qu'on la suit depuis un bon moment. Mais personellement, elle s'en fou. Il n'y a plus d'argent à voler, elle n'a rien à manger sur elle. La seule chose qu'elle défendra corps et âme, c'est sa drogue. Elle en a bien plus besoin que la nourriture. D'ailleurs, ça fait trois jours qu'elle n'a pas mangé. Et elle est en pleine forme. Son ASP a bien tenu le coup depuis l'Apocalypse. Pourtant, elle va devoir manger, elle le sait. Enfin, elle sait qu'il doit y avoir deux-trois plantes mangeables dans le coin. De quoi tenir pendant une semaine, pour elle. Elle jette un coup d'oeil autour d'elle. C'est bizarre... Elle a l'impression qu'il y a une présence humaine, ici... Elle sourit. Pourtant, ses muscles sont tendus. On ne sait jamais, les fantômes sont plutôt violents en ce moment... Elle marche, tranquillement. Elle sait qu'on va venir lui parler. Elle sait qu'elle intrigue, avec ses vêtement troués, sa démarche assurée, ses pupilles dilatées, son air je-m'en-foutiste, son allure de soldat. Elle attend, elle attend...

Les débris éclatent sous les roues du gros véhicule militaire. Aliénor grimace de plus belle. La ville n'est qu'un tas de ruine, encore pire que Londres. Elle soupire. Même si c'est un champ de désolation, elle n'a pas le choix : si elle veut retrouver des traces de Shigenza, elle doit trouver un des gros centre d'activité de la méga-corporation. Avec de la chance, ils auront enterrés leurs serveurs, comme à Londres, et ils seront relativement intacts.

Elle ferme les yeux, et soupire de nouveau. La tâche va être longue, et périlleuse : la ville doit être habitée par de nombreux mutants. Elle a put refaire le plein de munitions pour l'ensemble de ses armes quelques jours plus tôt, en fouillant une base militaire désaffectée. Cela n'avait d'ailleurs pas été de tout repos : un gang se servait de la base comme lieu d'embuscade. Elle avait dut les combattre, et les faire fuir, mais elle portait encore au côté une trace d'une des balles qui l'avait touchée. Rien de sévère, heureusement, mais tout de même.

Yeux toujours clos, elle commence son travail. Elle commande son ATH, affichant toutes les données des senseurs du véhicules, puis prenant le contrôle des caméras du Hummer. Soit elle trouve directement des traces de la méga-corporation, soit elle trouve une borne publique anciennement destinées aux étrangers. Dans les deux cas, cela serait un coup de chance, et rien de plus.

Elle commence à parcourir les longues rues parallèles de la ville, s'arrêtant à chaque intersection du damier des rues pour balayer toute la zone de ses caméras. Elle prend son temps, elle n'est pas pressée, et elle ne veut pas passer à côté de quoi que ce soit. Toute à sa tâche, elle ne remarque tout d'abord pas le signal dans un coin de son ATH. Ce n'est qu'en se reculant mentalement, pour repartir à la prochaine intersection, qu'elle voit un affichage ondulatoire sur son afficheur. Les senseurs de la voiture ont détecté du son anormal.

Dans un premier temps, elle grimace, pensant qu'il s'agissait des mutant, mais elle remarque très vite que ce n'est pas ce genre de son. Finalement, elle décide de mettre en route l'analyse, et hausse un sourcil, les yeux toujours clos. Il s'agit clairement d'une voix humaine ou apparentée, qui semble chanter quelque chose. Elle ne reconnaît pas le rythme de la mélodie, d'autant plus qu'elle n'en connaît pas énormément. Aliénor sort de sa plongée en Réalité Virtuelle, et met le son capté et amplifié sur le haut parleur.

"You were mother nature's son,
Someone to whom I could relate,
Your needle and your damage done,
Remains a sordid twist of fate."

Pas de doute possible, il s'agit d'une voix féminine, et non d'un enregistrement, venant de la gauche du véhicule, a plus de cent mètres, au moins en terme de distance sonore. Elle braque la caméra de sa tourelle vers la direction approximative de la source de la voix, et zoom. Rien de visible, le son doit sûrement se répercuté avant de parvenir au véhicule. Qu'à cela ne tienne, elle reprend les commandes mentales du Hummer, et avance dans la rue. Le moteur en lui-même, marchant à l'électricité, ne fait pas de bruit, mais l'éclatement de quelques débris, par contre, résonne dans les ruines.

La voiture arrive à la première intersection, et la tourelle se braque vers la droite, puis la gauche, et l'ATH verrouille une forme en mouvement, mais il ne s'agit que d'une ombre. Un pan de mur écroulé en travers de la route empêche de voir de l'autre côté. Aliénor laisse le moteur tourner, et, restant connecté au véhicule, sort sa carabine et monte sur le toit du Hummer. Elle arme sa Texhofforhov et augmente la précision de sa vision chromée. Enfin, elle l'a en visuelle.

Devant elle, de l'autre côté du mur en morceau, une jeune femme chantant à tue-tête marche dans la rue. Elle s'arrête soudain, à la fin des paroles, et Ali en profite pour la regarder en détail. Elle porte une veste, ainsi qu'un débardeur sale et troué. Quelques chose brille à son cou. L'ATH d'Aliénor verrouille alors en rouge une arme de type pistolet lourd. Elle hoche la tête, rien d'anormal jusque là. Elle a le physique de quelqu'un de ravagé, comme elle en a déjà vu dans certains camps de survies en Asie. Seuls ses yeux tranche avec le reste. Violet, sûrement grâce à du chromage, génétique ou non, ils semble vivre par eux-même, et non par ce corps maigre et maltraité.

Puis tout à coup, Ali est parcouru d'un long frisson, et elle Le sent : le Pouvoir. Cette femme porte une de ses facettes en elle, lié à l'acide et à son corps. Plus par réflexe qu'autre chose, et parce qu'elle n'en a aucun pour le moment, elle se l'approprie, et hoche la tête, descendant du Hummer.

Sa décision est prise. Si cette femme vis ici, ou même simplement connaît la ville, elle pourra l'aider. Et dans le cas contraire, elles pourront au moins peut-être s'entraider pour survivre aux mutants lorsque la nuit tombera. Elle ordonne au véhicule d'ouvrir la portière arrière, et décharge son arme avant de la reposer sur la banquette arrière. En échange, elle met dans son holster son pistolet mitrailleur, et met à sa ceinture le Colt LightFire.

Elle verrouille la voiture, et monte ensuite sur le pan de mur d'un saut. Elle manque se casser la figure à l'arrivée, du fait de l'instabilité du la structure, des gravats, mais aussi de son propre poids largement supérieur à la normal. Elle tend les mains en avant, paumes vers la jeune femme, et hausse la voix pour dire :

"Bonjour!"

Elle avait donc raison. Il y avait bien quelqu'un d'assez fou pour se promener dans ce désert urbain. Elle entend des débris qui se cassent. Un être normal n'aurait rien perçut. Elle est sous la Red Wing: son ouïe n'est pas celle des gens normaux. Elle pose la main sur son Beretta. Ce n'est pas un mutant. Trop discret, trop précis. Les "monstres" sont lourds, inutiles. A part quelques uns qu'elle avait croisé et qui s'étaient révélés assez forts. Mais la plupart du temps, ils sont simples à battre. Sauf quand elle est en état de manque. Là, elle ne peut rien faire. Ce qui peut s'avérer assez gênant... Elle s'arrête, attend qu'on vienne à elle. Qui sait, peut-être qu'elle pourra échanger sa Red Wing contre de la bouffe ou une couverture... Les nuits sont froides, en ce moment.

Tiens, tiens... Elle croit capter le bruit d'ne ouverture... Et aussi, un peu plus tard... Le bruit... de... quelque chose qui s'arme. C'est infime, et si Jamie n'avait pas entendu ce son des centaines de fois, elle n'aurait pas su ce que c'est. On la vise... Mais elle sait qu'on ne la tuera pas. Elle connaît les hommes. Quelqu'un de seul, au milieu de cette "ville" remplie de mutants tueurs est forcément sensible à une autre présence humaine. La solitude est encore pire que de mourir de faim ou de soif. On ne la tuera pas. Et, malgré cette affirmation qui s'avère plus être une hypothèse, elle reste immobile, attendant. Ses yeux violets balayent le paysage, cherchant une quelconque trace de vie. Mais il n'y a que du gris, la mort, le vent frais balaye la poussière. Soudain, ses tympans captent le bruit d'un saut. Elle plisse les yeux, regarde le mur en face d'elle à moitié éboulé. Une femme apparaît en haut du mur, elle manque de tomber. Jamie voit immédiatement qu'elle est pacifique. Ses mains détendues, sa posture ouverte, prête à la rencontre. Enfin, dernier détail, elle a les mains en l'air. Jamie enlève la main de son pistolet. Il sera inutile. La nouvelle venue prends la parole:

"Bonjour!"

Jamie la regarde un instant, de haut en bas, puis sourit. Enfin de la compagnie... La drogue en elle frétille: elle a envie de parler, de rire, de chanter, danser, boire, faire la fête... Nan. Il faut qu'elle se calme. Qu'elle ne se laisse pas aller... La Red Wing monte vite à la tête. Heureusement, elle arrive à bien la contrôler (notamment avec l'aide de son ASP). Les autres finissent fous, pour la plupart: hallucinations, paranoïa, schizophrénie. Elle aurait fini comme l'un d'eux, si elle n'avait pas cette étoffe de soldat (et l'ASP, mais elle refuse de penser qu'elle tient grâce à ça). Ses yeux pétillent. Tout de suite, son instinct de vendeuse prend le dessus:

"Salut! Alors, qu'est ce que tu viens faire dans le vieux New York, hum? C'est pas le bled où on vient passer des vacances... D'ailleurs, je t'ai jamais vu dans le coin... T'es nouvelle, par ici? Oh, j'ai oublié: je m'appelle Jamie Adams. Et toi, c'est quoi ton pti nom?"

Elle a la voix forte, le débit de parole rapide, les yeux allumés. Des tas de questions se présentent à ses yeux. On dirait qu'elle a pas vu d'être humain depuis une éternité. Ce qui est sûrement le cas. Bon, Jamie a pas vraiment eu le temps de l'observer. Elle la détaille sans discrétion, de la tête au pied: la première chose qui saute aux yeux de la junkie, c'est qu'elle est rousse aux yeux vert. Ca lui rappelle vaguement quelque chose... comme dans les contes de fées de l'ancien temps... Sur les vieux livres abîmés par le temps, elle avait vu une image de princesse aux cheveux flamboyants et aux yeux émeraudes. Elle l'avait trouvé magnifique... Elle avait toujours rêvé de devenir une princesse comme ça. Mais son père avait choisi un autre destin pour elle... Rah, mieux vaut arrêter de penser à lui. Elle revient sur la jeune femme qu'elle a en face d'elle. Elle est grande, fine, elle a l'air en bonne santé. C'est un miracle, ces temps-ci. Elle semble comme...épargnée par la catastrophe: ses lèvres sont colorées d'un joli rose-orangé, sa combinaison en kevlar n'a pas l'air d'être endommagée. Le visage de cette femme est pacifique, pourtant elle est bien équipée par les temps qui courent: un pistolet mitrailleur à la ceinture, une réserve de flèches sur la cuisse gauche.

Elle plante alors ses yeux dans ceux de la jeune femme, attendant que celle-ci réponde...

Une avalanche de paroles et de question vient s'abattre sur Aliénor, puis tout s'arrête aussi soudainement que cela avait commencé. La jeune femme en face d'elle la regarde fixement, après l'avoir détaillée. Elle a les pupilles dilatées, et le regard embrasée, comme si la vie la parcourait tout du long. Depuis les Sept Jours de Feu, Aliénor n'avait pas vu grand monde posséder une aussi grande passion.

Celle qui s'est présentée sous le nom de Jamie Adams la regarde, comme attendant des réponses, ou comme réfrénant un tas d'autre question. Ali va pour lui en donner, quand le pan de mur, au demeurant instable, décide d'un coup de se faire la malle. La jeune femme lâche un cri de surprise, et glisse en avant. Elle n'a que le temps de pousser sur ses jambes, sans réels appuis, et saute en avant sur trois ou quatre mètres, réatterissant dans un bruit sourd. Ses bottes claque durement au sol, comme si une masse beaucoup plus grande que celle d'Aliénor venait de se réceptionner.

Elle se redresse, et époussète sa tenue, grommelant, avant de se rendre compte qu'elle n'est plus qu'à une dizaine de mètre de Jamie. Elle secoue légèrement la tête, tant pour remettre ses cheveux en place que pour scanner toute la zone de sa vue, pour la fixer dans son ATH. Une fois ceci fait, elle répond à la jeune femme en face d'elle :

"Moi, c'est Aliénor Destinée. Vous connaissez la région? Je cherche les reste du building de la méga-corpo Shigenza, ou au moins une borne signalétique à laquelle me connectée pour récupérer les données dessus..."

Avec de la chance, la jeune femme connait ça. Cela voudrait dire que sa course après son identité était peut-être enfin terminée. Mais elle ne devait pas s'emballer. Il n'est pas dit qu'elle le sache, encore moins qu'elle accepte de lui donner cette information gratuitement, et même si elle lui achète, les serveurs du bâtiment ont peu de chance d'avoir survécu, même partiellement, à tout. D'un autre côté, elle n'est venu ici que dans ce but, alors autant essayer.

"Vous ne sauriez pas où je peux trouver ça?" rajoute-t-elle après un instant.

Puis elle ne dit plus rien, regardant Jamie. Dans son ATH, elle la verrouille en orange : le deuxième degré de sécurité, qui demande une confirmation avant de tirer dessus. Après tout, on est jamais trop prudent, et si Aliénor est restée en vie si longtemps en parcourant le monde, ce n'est pas en faisant confiance aux inconnus. D'autant plus que cette femme a quand même quelque chose d'étrange. Son corps semble détruit, et pourtant, elle vis surement seule ici. Ses pupilles dilatées indiquent plusieurs choses possibles : une maladie, l'usage de drogue ou l'utilisation d'un chrome de vision augmentée.

Et puis, elle se trouve en plein New York, une ville réputée pour contenir un paquet de mutant, et peut-être des gangers. Non, vraiment, il n'y a aucune raison de ne pas être sur ses gardes, même si ce n'est pas directement lié à Jamie. Mais la jeune femme n'avait même pas chercher à dégainer son arme, et semblait amicale...

Jamie ne bouge pas quand le mur s'écroule. Elle s'en doutait. Les minuscules fissures qui n'avaient cessé de délier leurs branches traitresses sur le mur avaient eu raison de lui. Elle avait préféré ne pas avertir la jeune femme, pour voir comment elle se débrouillerait. Et maintenant, elle en a la confirmation: cette rouquine n'a pas survécut par chance: c'est une combattante, quelqu'un qui sait où et quand attaquer, et surtout qui n'hésite pas à tuer. Parfait. Jamie est en sécurité face à elle. Cette femme n'est pas une folle de la gachette, c'est une professionnelle. Et si elle ne l'a pas encore tué, c'est qu'elle ne le fera pas par la suite. Sinon Jamie serait déjà morte, ou du moins blessée par une balle invisible. Une chose cependant cloche: comment est-ce qu'une femme aussi fine et précise peut-elle sauter sur trois mètres de distance? Jamie, avec la Red Wing, n'arrive à sauter qu'à deux mètre cinquante, et de plus elle a reçut durant toute sa jeunesse un entraînement militaire... Ensuite, il y a ce "boum" lorsqu'elle atterit au sol... Elle a l'air légère pourtant... Non, là c'est comme si cette femme portait un sac de 10 kilos sur elle... Ou... oui, c'est sûrement du chromage!

Enfin, bien que la donnée soit importante, Jamie ne cherche pas à en savoir plus. Ce qu'elle veut, elle, c'est parler. Maintenant, la jeune femme n'est plus qu'à quelques mètres d'elle. La droguée reste détendue. Enfin, le plus détendue qu'elle peut, malgré la Red Wing qui excite son cerveau. Elle farfouille un moment dans les poche de sa veste et en tire un paquet de clopes et un briquet. Elle l'allume doucement, écoutant la présentation de Mademoiselle... Aliénor Destinée, donc. Elle tire une bouffée en rangeant son paquet et le briquet. Hum...Elle n'a plus beaucoup de clopes. Il faudra penser à en troquer contre de la Red Wing au prochain camp de réfugiés... Parce que sans clope, sans cette fumée amère qui lui brûle les poumons, elle ne se sent pas assez vivante. Bizarrement, la destruction l'anime d'une force nouvelle. Elle aime ça, le chaos.

Aliénor lui parle d'une certaine corporation... Jamie fronce légèrement les sourcils en recrachant la fumée. La corporation Shigenza... La junkie ne saisit pas le reste de la tirade. Une borne quoi? Les bornes, pour elle, ça à toujours été pour compter les kilomètres... Mais la corporation Shigenza... Ca lui dit quelque chose... Elle ne sait pas où encore, mais elle a déjà vu ce nom quelque part... Quand à savoir où elle se trouve... On ne reconnaît même plus Central Park du Bronx, dans ce champ de caillasses... Alors pour trouver une corpo qu'elle n'a jamais vu de ses propres yeux... Aliénor lui demande si elle sait où ça se trouve. Bon, pas la peine de mentir:

"La corpo Shigenza, tu dis? J'ai déjà vu ce nom là quelque part... Mais j'ai une question: tu es déjà venue à New York? Parce que c'était déjà pas facile de s'y retrouver quand elle était encore debout... Regarde autour de toi. Ca va être difficile de faire la différence entre tel ou tel tas de cailloux. Par contre, je peux te faire une visite guidée de la 'ville', si tu veux. Gratos. C'est mon jour de bontée."

Elle espère que Aliénor acceptera. C'est dur de se trouver des gens fiables, par ici. La rouquine à l'air d'être de ces gens-là. A l'air. Il faut toujours rester un peu sur ses gardes. Une bouffée. Des cendres tombent. Elle fixe Aliénor, se demandant pourquoi elle cherche une corporation détruite. Ce n'est jamais bon de marcher sur les traces du passé. On se casse toujours quelque chose. Bon, c'est vrai que Jamie ne connaît pas encore 'New York' comme sa poche. Mais bon, elle pourra toujours lui montrer les coins qu'elle connaît, et dont elle a déjà débarassé des mutant qui y séjournaient. Jamie envoie d'une pichenette sa cigarette encore fumante, fumée jusqu'au filtre, rouler au sol. Dégueulasse. Ce sont des vieilles cigarettes françaises, des 'Gauloises'... Mais où sont donc passées ces bonnes vieilles Lucky Strike?

Aliénor regarde la jeune femme fumer sa cigarette, puis l'écoute lui répondre. Jamie n'a pas tord, au moins sur un point : Il va être très difficile pour elle de se retrouver dans ces monceaux de gravats, de bâtiments détruits, de voiture carbonisées ou désossées et de route défoncées et quasiment inexistantes. Elle doit passer pour une étrangère imbécile aux yeux de la jeune femme, mais elle s'en moque. Ce que les autres penses d'elle n'est pas sa priorité, loin de là. Par contre, il est clair qu'un peu d'aide ne peut que lui être bénéfique, c'est pourquoi elle répond après un moment :

"Et bien pourquoi pas? Tout aide est la bienvenue, et peut-être qu'un détail concernant Shigenza te reviendra en mémoire... Nous prendrons mon Hummer, cela sera plus sûr. En plus, j'ai put faire le plein de munitions il n'y a pas longtemps."

Elle est spontanément passé au tutoiement, répondant d'une voix calme et placide. Jamie et elle, pour un observateur extérieur, pouvaient passer pour deux opposée : la blonde semble surexcitée et pleine de vie, alors que la rousse est calme, posée, réfléchit et loin d'être impulsive. L'une a le corps ravagé par elle seule savait quoi, les cheveux en bataille, alors que l'autre est immaculée, ses cheveux cascadant impeccablement sur son visage maquillé et ses épaules. Décidément, ces deux femmes sont comme le jour et la nuit, et pourtant, peut-être partageraient-elles plus qu'elles ne le pensent.

Néanmoins, Ali ne peut s'empêcher de frissonner : elle a oublié les règles élémentaires de la prudence. Elle rajoute donc, après un instant :

"Par contre, je te demanderais de monter à l'arrière, si cela ne te dérange pas. Je ne peux pas prendre le risque de laisser mon corps inerte près d'une personne que je ne connais pas ou peu s'en faut, et si on est attaquées, je risque de devoir plonger en RV, donc..."

Elle laisse la fin de sa phrase en suspens, car c'est logique, et suppose que la jeune femme n'en prendra pas ombrage. De toute manière, il est hors de question qu'Aliénor prenne des risques inconsidéré : retrouver son passé est son plus grand but, mais elle refuse de perdre la vie pour l'atteindre.

Quelle que serait la réponse de Jamie, elle lui sourit aimablement, et se retourne pour aller vers son véhicule. Elle surveille ses arrières, plus par réflexe qu'autre chose, et marche calmement. Son véhicule est encore à porté de liaison courte fréquence, ce qui lui a permis de rester connectée tout le temps de la discussion. Ainsi, en cas de problème, elle peux toujours tirer dans le tas au calibre .50. Arrivé à vingt mètres, elle se tourne vers Jamie, et le lui montre, presque fière. Non, même vraiment fière : après tout, c'est elle qui l'a réparé, qui l'entretient depuis plusieurs années, qui le conduit, et qui a été sa seule maîtresse depuis. C'est, comme l'a dit une autre fille un jour : son plus fidèle ami.

Laissant Jamie parler, elle vérifie mentalement tous les états du véhicules : ses armes sont opérationnelles, les batteries sont complètement pleines, les roues blindées sont ok... Bref, tout va pour le mieux.

Jamie sourit. Aliénor est quelqu'un de chaleureux, et bizarrement, être à ses côtés calme l'explosion continue qui brûle son esprit à chaque seconde. Le feu qui coule dans ses veines, l'immense soif qui la consume à chaque seconde, cette soif incontrôlable d'en avoir plus, toujours plus, son envie de destruction... tout s'apaise. Elle a accepté de se joindre à une cinglée comme Jamie. Elle ne va pas être déçue... Le seul problème, c'est que Jamie manque de Red Wing et qu'elle devra trouver un certain métal dans les gravats pour en refaire. Si possible sans qu'Aliénor s'en aperçoive. Jamie ne veut pas que l'étiquette de droguée maso qu'elle porte constamment n'obscurcice le jugement de la rouquine. Le tutoiement arrive naturellement: la premier pas de confiance est fait. Pourtant, Aliénor n'oublie pas la prudence: sa dernière phrase (un peu incompréhensible d'ailleurs) montre qu'elle a encore conscience qu'elle ne doit pas croire immédiatement les sourires. Et Jamie a enfin la réponse à une question restée enfouie en elle au début de leur rencontre: Aliénor possède des corps bioniques en elle. Laisser son corps inerte. Me connecter. RV... Oui, il y a quelque chose en elle qui lui permet de... "communiquer" avec les engins informatiques. Jamie s'imagine déjà un ordinateur implanté dans le cerveau. Elle frissone en pensant aux deux plaques métalliques implantées dans son dos. Qu'elle n'a jamais demandé. Qu'elle rejette de toute ses forces. Mais là n'est pas la question. Mieux vaut répondre à Aliénor, qui semble attendre la réponse:

"Pas de problèmes pour moi. Je te laisserai faire ton petit truc.... plonger en... RV, c'est ça? J'y connais rien à ces trucs là. Et si je voulais te tuer, nous serions déjà en train de combattre. Moi je veux pas d'histoires. Mais au moins, chercher ta corpo me donnera un but... Je vais arrêter de m'ennuyer et de... Fiuuuuh!"

Jamie émet un long sifflement. Elle vient de remarquer le hummer, énorme, imposant. Un monstre de technologie. Aliénor le lui montre, plutôt fière. Elle a de quoi. Jamie n'en a pas vu depuis des siècles... Depuis son errance dans le New York pré- Apocalyptique. Souvent, des gangs qui passaient dans les rues pourries du Bronx mitraillaient à tout va avec ce genre d'engins. La junkie avait eu affaire à ce truc, un jour. Elle n'avait réussit à le détruire qu'avec des grenades ultra-puissante, sa Red Wing utilisée au maximum, et de multiples blessures causée par les balles. Elle avait faillit y passer, si elle n'avait pas trouvé le point faible du véhicule: l'habitacle qui ne résiste pas, si on lui jette une grenade dedans. Toujours est-il que Jamie se sent en sécurité à côté de cet allié blindé. Elle dit d'une voix plutôt posée, malgré l'étonnement:

Eh beh! On doit pas souvent t'approcher de trop près... Ce monstre est impressionnant... Où l'as-tu trouvé? Il n'en existe presque plus sur Terre... Ca doit être efficace contre ces saloperies de mutant...

Rien qu'en pensant à ces pseudo humains, elle a un goût rance dans la bouche. Elle crache, croyant qu'il partirait ainsi. La salive laisse un petit trou dans le sol en bouillonant. Tant pis. Son pouvoir n'est pas le plus important dans les combats. Souvent, elle n'a pas à l'utiliser. Ils meurent avant. Et puis, Aliénor est de dos, et Jamie doute qu'elle ai des yeux derrière la tête... Elle regarde Aliénor vérifier l'état du véhicule. Elle connaît parfaitement bien son hummer... Ses yeux se dirigent ensuite vers les redoutables fusils automatiques et la mitrailleuse de l'engin. Hum, difficile de prendre cette forteresse roulante qui semble quasi imprenable... Jamie se sent rassurée. Elle se détent un peu plus.

Aliénor pose une main sur le capot du véhicule qui lui arrive au niveau du visage. Pour avoir un véhicule qui ne craint pas d'être retourné, il y a deux solutions possibles : abaisser son centre de gravité en mettant le véhicule le plus bas possible, ou éloigner au maximum le point de basculement, en écartant les roues. C'était cette deuxième solution qu'avait choisis les constructeurs du Hummer première génération, et depuis il en est toujours fait ainsi. Le véhicule qu'a Jamie sous les yeux est haut de deux mètres cinquante, pour une largeur de trois mètres cinquante.

"Je pense qu'au contraire, les pillards sont peut-être attiré par l'engin, espérant me le voler pour ensuite s'en servir... Mais les mutants ne s'en approchent pas trop. En fait, je l'ai trouvé à Londres, dans le complexe militaire dans lequel j'ai passé les Sept Jours de Feu et l'hiver nucléaire. Il m'a sauvé la vie plus d'une fois..." répond la rousse.

D'une impulsion mentale, elle ordonne au véhicule d'ouvrir les portières arrière et avant gauche, puis elle fait signe à la jeune femme blonde de monter à l'arrière. Elle même prend appuis sur le marche pied qui est sorti du flanc du véhicule, et attrape la poignée, puis se hisse à bord. D'une autre impulsion, elle fait se monter la grille protectrice entre la partie avant et la partie arrière de l'habitacle.

A l'intérieur du véhicule, il n'y a aucun panneau de bord, aucun volant ni autre outil de pilotage. Il n'y a pas non plus de boutons, que ce soit pour les vitres ou même ouvrir les portières. Des emplacements de rangements se trouvent un peu partout. Ainsi, attaché par un cadenas verrouillé se trouve sa carabine et son arc. La carabine elle-même ne possède aucun bouton ni aucune gâchette.

Elle retire ses deux armes, et les poses sur la banquette à sa droite, et les attachent pour pas qu'elles tombent, puis elle se sangle elle-même à la banquette.

"Sangle toi, ça peut secouer un peu à cause des débris et des trottoirs. Je vais passer en RV, je pourrais mieux piloter comme ça. Ne t'inquiète pas, tout ce qui va arriver est normal."

Elle passe ensuite en Réalité Virtuelle, s'échappant de son corps pour venir habité celui du Hummer. Toutes ses sensations sont inhibé, remplacé par une batterie de senseurs. Elle ferme les yeux, sa tête tombe légèrement sur le côté, comme si elle viens de s'assoupir. Ses yeux deviennent les caméras embarquées partout sur le Hummer, elle ne voit que par elle et sa voix devient le synthétiseur vocal du véhicule.

"Voilà, je suis prête, dit moi par où on va, dit la voix métallique et totalement neutre du synthétiseur."

Le moteur du Hummer se met silencieusement en route, des panneaux solaires se déployant sous une couche de protection sur le toit de l'engin.

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